8 Août 2018
Le village de Pierrefonds, situé dans l'Oise, au Sud-Est de la Forêt de Compiègne, est un de mes passages obligés pour me rendre en forêt de Compiègne à partir de Longpont et en voiture. C'est aussi une de mes bases de départ pour randonner dans la forêt de Compiègne. Ma première randonnée dans la forêt de Compiègne partait de Pierrefonds. Et il y en a eu d'autres.
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d'après René Mouton (la forêt de Compiègne de A à Z, édition A+B et http://foretdecompiegne.free.fr/sommairebis.html )
PIERREFONDS
Les rois des deux premières races y possédaient une résidence. Pierre Jamet de Gouy raconte que « Clovis, quand il n'est pas en guerre, précédé de ses chiens ségusiens, armé d'un simple épieu, part attaquer de front, dans l'impénétrable forêt de Cuise, l'urus gigantesque, le bison barbu, l'ours, le buffle, la sanglier, le loup et le cerf ». (il faut se méfier de l'imagination des historiens. RM.) La maison royale fut détruite au l0 e siècle par les Normands. Elle fut remplacées au siècle suivant, par la château des Nivelon, seigneurs de l'endroit. Philippe Auguste acheta le château en 1185, aux descendants des Nivelon.
Le chasteau de Pierrefonds, estant escheu à nos Roys, a esté rendu un des plus beaux, forts et défensables : fondé d'ancienneté sur un rocher, vis à vis de la forêt de Cuyse, rebasty et racoustré comme de neuf, sur anciens fondements, par Loys duc d'Orléans et comte de Valoys, environ 1390. Mais, comme ce bon prince pensait de le faire bien tost parachever, assassiné et prévenu qu'il fut de mort violente, tout aussi tost l'oeuvre fut délaisse imparfait, comme il est toujours demeuré depuis, et venu petit à petit en décadence. Outre Ies beaux lieux d'alentour, comme du prieuré, du grand et petit Outreval, des excellents regards des fontaines du Halloy et Chambaudon , proches dudit Pierrefonds, ne doit estre oublié ce qu'on lit entre les marques d'antiquité de la dicte prévosté ... » En 1332, Charles VI donna le Valois à son frère louis d'orléans, avec le fief de Pierrefonds. Louis d'Orléans Présida à la construction du château actuel et y donna des fêtes fastueuses. Assassiné sur l'ordre de son cousin Jean sans Peur, il laissait à son fils, Charles d'Orléans le duché de Valois. A propos de la mort du duc d'Orléans, Alain Saint-Ogan fait en ces termes, le récit du drame : « Il s'en allait, vêtu d'une simple robe de damas noir, par la vieille rue du Temple, chantant à demi-voix et jouant avec son gant. Deux écuyers seulement l'escortaient, montés sur le même cheval, et quelques valets portant des torches. Près de la porte Barbette, il fut assailli par une troupe d'assassins qui le frappèrent, le jetèrent à bas de sa mule, lui brisèrent le crâne et s'enfuirent en jetant derrière eux des boules garnies de pointes de fer, qu'on appelait alors chausse-trapes, pour enpêcher qu'on ne les poursuivît. Jacquette, femme de Jacques Griffart, cordonnier, qu'étant à sa fenêtre haute sur la rue, Pour voir si son mari ne revenait pas elle vit passer un seigneur à cheval, et, un moment après elle entendit crier « à mort ! ». Elle courut à la fenêtre et elle vit le même seigneur à genoux dans la rue, sans chaperon ; autour de lui sept ou huit hommes, le visage masqué, qui frappaient dessus, de haches et d'épées. Lui, mettait son bras devant en disant quelques mots comme : « Qu'est ceci ? d'où vient ceci ? ». Prince magnifique, aimant les arts, mais aussi plein d'ambition, Louis d'Orléans avait voulu que son château fût à la fois une des plus somptueuses résidences de son époque, et une forteresse construite de manière à défier toutes les attaques . » Jeanne d'Arc traversa la contrée en 1430. Plus tard, François ler, prince de Valois, orne et meuble le château avec un luxe inouï. Il y invite un jour Charles Quint qui tombe en admiration. Il s'écrie : « Je ne m'étonne pas que les rois de France aient tant d'attachement pour une si belle forêt. » Mais, en 1589 le château est occupé par les Ligueurs. Quand la forteresse lui est enfin rendue, Henri IV en confie la garde à Antoine d'Estrées père de la belle Gabrielle. En 1616, le Conseil du roi fait de nouveau assiéger la place pour réprimer la rébellion du fils d'Antoine d'Estrée qui a embrassé le parti des mécontents. Un 1617, Richelieu donne l'ordre de faire démanteler la forteresse, et, pendant deux siècles, ses ruines grandioses subsisteront et domineront le pays. Napoléon 1er les acheta en 1813 pour 2.950 fr et, en 1857, Napoléon III chargea Viollet le Duc de la restauration qui coûta cinq millions, dont 3.770.000 frs furent pris sur la cassette de l'empereur. Le château est devenu domaine de l'Etat.
Voici ce qu'écrivait Alain SAINT-OGAN, en 1887 : « Beaucoup de gens, et nous sommes de ceux-là, regrettent les ruines de Pierrefonds. Elles étaient singulièrement romantiques, ces vieilles tours éventrées au bord d'un marécage, quand le visiteur les apercevait tout à coup dans l'écartement des arbres, au milieu d'une nature sauvage et tourmentée. Les pans des murailles gigantesques, la tourelle d'où s'échappaient les sons d'une harpe éolienne, les souterraine béants tout enguirlandés de lierre et de pariétaires, produisaient une impression qu'on demande en vain aux grands murs de pierre blanche, recouverts de belles ardoises comme un palais scolaire, par lesquels les a remplacés une fantaisie de l'impératrice Eugénie. Mais s'il ne parle plus guère à l'imagination, le château de Pierrefonds offre, en revanche, plus d'intérêt au point de vue artistique et archéologique. C'est une oeuvre jusqu'à présent unique au monde et sans rivale que cette reconstitution d'une habitation seigneuriale, type le plus parfait du château du XVe siècle. Elle fait connaître cette architecture française à la fois civile et militaire qui, de Charles V à Louis XI, a été supérieure à toutes celles d'Europe. Le grand architecte Viollet-le-Duc affirmait qu'il avait restitué le château tel qu'il était exactement en sortant des mains du maître des oeuvres de Louis d'Orléans. Nous ne croyons pas, d'ailleurs, qu'on puisse y signaler d'autre faute qu'un anachronisme auquel l'architecte s'est laissé entraîner par une concession regrettable au confortable moderne et à l'impératrice qui voulait pouvoir habiter Pierrefonds et y donner des fêtes. Il a parqueté les salles restaurées à point de Hongrie, alors que le moyen âge dallait avec des carreaux émaillés, variés de couleur et de disposition. Ici, la condescendance du courtisan a fait fléchir la conscience du médiéviste.
Il eut été bon aussi, il nous semble, puisqu'on avait entrepris de nous rendre l'aspect d'un château du XVe siècle, de ne pas négliger les abords de ce château. Il eût fallu soit l'isoler dans un assez large rayon, soit l'entourer de constructions en harmonie avec l'édifice, c'est-à-dire de maisons dans le style du temps, à pans de bois, à pignon aigu en ogive, aux étages en encorbellements. » Les ruines désormais restaurées et qui constituent l'actuel château de Pierrefonds étaient celles du château qui avait été construit à partir de 1390, à l'emplacement de deux autres édifices qui s étaient succédés au fil des siècles. La garde de Pierrefonds était l'une des 12 gardes de la forêt en 1680. Elle comprenait 7 triages (3100 arpents). En 1720, Pierrefonds comptait 912 habitants, 1000 en 1760, 1255 en 1790. En 1664, cette localité comprenait 204 maisons usagères (avec les hameaux voisins). Le bois des Moines (121 arpents) appartenait au prieuré de Pierrefonds ; enclavé dans la garde la Pommeraye, il fût réuni à la forêt le 8 septembre 1759. Depuis 1679, les Célestins de Saint-Pierre en Chastre avaient la jouissance et posséssion de la maladrerie de Pierrefonds.
MALADRERIE DE PIERREFONDS Agathe de Pierrefonds (morte en 1203 sans descendant) fonde un établissement hospitalier à Pierrefonds appelé maladrerie de Pierrefonds ou Hopital Saint-Ladre. Il se composait d'une maison, cour, jardin, étables, granges, d'une contenance de deux arpents, fermée de murs, tenant au chemin qui conduit de Pierrefonds à Compiègne, au lieu dit le Grand Logis. Elle possédait 3 arpents de prés au moulin de Batigny et un autre pré dit de Saint-Ladre. Des lettres patentes de François premier (15.12.1545) autorise l'union de la maladrerie à l'abbaye de Saint-Pierre en Chastres. Déjà, en juillet 1473, sur l'ordre de Louis XI, l'hospice Saint-Ladres avait été réorganisé et les religieux avaient été élus maîtres et perpétuels administrateurs de la maladrerie, à charge pour eux d'entretenir les malades. La maladrerie disparut à la révolution. Ses biens furent vendus comme biens nationaux. Les revenus furent affectés à la fondation d'un Hôtel Dieu.
LA RESTAURATION DU CHATEAU C'est en 1392 que Louis d'Orléans, devenu duc de Valois, commence les travaux de reconstruction totale de Pierrefonds et de La Ferté-Millon. Pierrefonds a vu pousser jusqu'à la perfection l'édification de ses tours et de ses courtines. Les travaux devaient être tout juste terninés quand Louis d'Orléans périt assassiné par Jean sans Peur. Mais on sait que, en 1406, au moment du mariage de Charles d'Orléans, la cour résidait à Pierrefonds. L'histoire du château est riche de mouvements jusqu'à sa destruction. En 1411, c'est la première attaque victorieuse contre les bourguignons. Le Comte de Saint-Paul, qui commandait la garnison, l'incendie par trahison en 1413. Pris par les Anglais en 1420, repris par le Dauphin en 1422, il joue un rôle important comme point d'appui des troupes royales en 1427 et en 1430. En 1466, Louis d'Orléans, futur Louis XII en devient le maître et effectue des réparations. Pierrefonds paraît alors quelque peu oublié. François 1er attiré par Villers-Cotterêts et sa chasse, ne semble pas avoir pris d'intérêt pour le château de Pierrefonds. Pourtant, en 1588, Antoine de Saint-Chamant, ligueur, s'en empare. En 1591, Henri IV va tenter de le reprendre. Malgré les tirs d'artillerie (dont les boulets restés encastrés dans les sous-bassements en sont probablement le souvenir, les troupes royales se retirent deux fois.
A PLUSIEURS REPRISES SOUS UN DELUGE DE FEU Le siège reprend, commandé par Biron et Henri IV en personne, sans pouvoir pénétrer dans la place. Celle-ci, commandée par un certain Rieux, soldat courageux et un peu brigand, qui, au cours d'une de ses sorties pour harceller les troupes royales, se fit prendre en 1593 et fût pendu à Compiègne. Le château va alors revenir pour deux ans seulement entre les mains royales car un cousin de Rieux, Henri de Sauveulx, reprenait possession du château, qu'il confiait à une garde napolitaine et flamande. Pris à son tour, Sauveulx réussit à s'évader de Flandre et le château fût livré par les Napolitains en 1596 pour 18.000 ducats. Le marquis de Cœuvres, Père de Gabrielle d'Estrées, en prit le commandement. Après la mort du roi, Cœuvres s'est rangé dans le parti des mécontents du prince a Condé, et Richelieu envoya contre 1es rebelles de Pierrefonds, alliés à ceux de Soissons, une armée commandée par le comte d'Auvergne. En 1617, l'artillerie écrasa les ouvrages avancés, puis une batterie installée sur le terre-plein ouvrit le feu sur la tour centrale, qui s'écroula, et la garnison capitula au bout d'une semaine. C'est alors que le roi Louis XIII décida la destruction de la forteresse, trop souvent refuge des révoltés qui s'installaient dans les ruines avec femmes et enfants, et confia aux habitants de Senlis le démantèlement de la place. Les tours et les courtines furent sapées et les superstructures s'écroulèrent. Des ruines pendant 200 ans Les ruines de Pierrefonds allaient, pendant deux cents ans, être un élément très pittoresque du paysage, dont de nombreux dessins et peintures nous rapportent l'aspect romantique. En 1788, Louis XVI visitait Pierrefonds. Les ruines furent vendues comme bien national dix ans plus tard pour 8.100 F et Napoléon, cherchant à sauvegarder les traces de la gloire de ses prédécesseurs, les racheta, après une visite en 1813, pour la somme de 2.950 F.
LE ROMANTISME DES RUINES Quelques années plus tard, en 1857, Napoléon III , alors prince-président, décidait, après une visite à Pierrefonds, de la restauration et confiait ce travail à Viollet-le-Duc. Celui-ci avait sa tâche facilitée quant à l'extérieur, car les brèches faites par les boulets n'avaient pas modifié les structures de l'édifice. Cette restauration a été quelque peu influencée par le romantisme de l'époque. Il est d'ailleurs amusant d'apprendre que l'impératrice avait choisi le donjon en ruine pour venir y prendre la thé avec ses dames de compagnies, ce qui décida vraisemblablement l'empereur à la remise en état complète du château. Viollet-le-Duc laissa aller son imagination pour la réalisation de la restauration intérieure. Son travail a fait de Pierrefonds un des monuments de France qui se compte parmi les plus spectaculaires et les plus intéressants par son enseignement. La restauration fut continuée par le gendre de Viollet-le-Duc, M. Ouradou. En 1878, elle était achevée et notons que la magnifique collection d'armes et armures, réunie au château par Napoléon III, se trouve aux Invalides dans la salle de Pierrefonds.
Ma première randonnée dans la forêt de Compiègne partait de Pierrefonds. Et il y en a eu d'autres.
L'ancienne voie ferrée, qui reliait Rethondes à Tröesnes, passait par Pierrefonds. Il reste la gare. On peut même voir à l'arrière les restes du quai (photos).
pour les cartes: © IGN - 2019 et © OpenTopoMap - 2019